Émerveillement sans nom

Elle marchait, en prenant bien soin de prendre de grandes respirations. Seule... Cela faisait si longtemps! C'était parfois pénible, car son âme était une solitaire. Or, elle était seule de moins en moins souvent. Donc, il lui fallait profiter le plus possible de ces petits moments bénis... Qui, comme tous ces moments, ne durait jamais bien longtemps. Alors, elle essayait d'en tirer le maximum à chaque fois.

Elle inspira...

Puis expira.

L'air était pur. Un petit ruisseau coulait non loin. Elle s'arrêta quelques instants pour s'abreuver un peu. L'eau aussi était pure, fraîche et bonne. Elle commenca à courir, poussée par une alégresse qui ne venait pas la visiter souvent. Elle courait. Elle ne savait pas où elle allait, mais qu'importait? Elle était libre. Elle savourait ce moment de liberté totale et de pureté. Ses cheveux ondulaient au rythme de sa course.

Elle se sentait si bien!

Mais évidement, cela ne durait jamais bien longtemps. Comme pour la rappeller brusquement à la réalité, le paysage commenca à changer. Et quel changement... Les arbres devenaient transparents et prenaient une autre texture. Les fleurs également. Le ruisseau continua à s'écouler, mais l'eau qui s'y trouvait commenca à changer lentement. Elle devenait transparente, comme sculptée par un sculpteur invisible. Elle continuait à s'écouler, mais en cristaux, ceux-ci créant un petit bruit clair, comme un tintement de verre, en continuant à glisser en suivant le cours du ruisseau.

Elle arrêta de courir, et marcha calmement vers le ruisseau. Elle prit une poignée de ces petits cristaux et les laissa s'écouler dans sa main. Elle recherchait un mot pour définir ce qu'elle voyait et ce qu'elle ressentais. Elle mit longtemps à le trouver, et pourtant, c'était évident.

Du cristal.

Voilà en quoi était fait cet endroit. En cristal. L'endroit était mystérieux, mais d'une terrible beauté malgré tout. Puis, le soleil apparu de derrière les nuages. Ce fut un moment splendide. Tout, d'un seul coup, fut illuminé. Tout scintillait sous le soleil. C'était magique. Elle se remit à courir plus profondément dans cette plaine, envahie par un émerveillement sans nom.

Plus loin, elle s'arrêta et se mis à tournoyer, les bras tendu vers le ciel, prise dans une sorte de bien-être qui la consumait de toute part. Puis, elle s'assis, en ouvrant grand ses yeux pour pouvoir tout voir et tout garder en mémoire.

Pour l'éternité.

Ce fut peu de temps après qu'elle réalisa à quel point son comportement était étrange.

Amishka se pencha vers le ruisseau. Elle prit une poignée de cristal entre ses doigts et la laissa s'écouler lentement. L'air s'emplit brusquement d'un son doux et cristallin, plus beau encore qu'un tintement de clochette.

Un son d'une pureté incroyable.

Elle cueillit une fleur (de cristal) et la déposa sur une roche (de cristal) non loin de là. Elle cueillit une pomme (de cristal) dans un arbre (de cristal) et la déposa sur la roche (de cristal) où était toujours posée la fleur (de cristal). L'eau (de cristal) scintillait toujours (comme du cristal). Elle commença à explorer la plaine (de cristal) en se promenant sur un sentier (de cristal) et en observant la nature (de cristal). Mais après une heure ou deux, elle eut soudainement envie de voir autre chose que cette couleur (de cristal) translucide. Elle prit son arc et le banda tout de même - le danger n'est jamais bien loin... Mais elle resta dans la plaine.

Malgré tout.

Elle se sentait... Légère. Mais pas comme du cristal. Elle avait l'impression d'assister à un miracle de la nature.

C'était magique.

C'était...

Cristallin.

Cristal.

Cristal.

Cristal.

Et encore cristal.

Amishka ferma les yeux. Certes, le cristal était magnifique et cette clairière immense l'était tout autant. De fait, le terme clairière ne paraissait absolument pas approprié face à l'immenseté [C'est un mot?] de la chose en question. Tout était beau, tout était doux, tout était absolument magnfique. Oui, mais... Mais. Deux heures qu'elle était là, à admirer le paysage qui s'offrait à ses yeux, sans vraiment bouger. Ce n'était pas son genre... Mais enfin, on ne pouvait pas être guerrière à chaque instant de sa vie, non?

Il semblerait que oui, songea-t-elle en rouvrant les yeux. La force de l'habitude... Ou autre chose. Elle n'excerçait pas la fonction de guerrière, elle ÉTAIT guerrière, jusqu'au plus profond d'elle-même. Guerrière jusqu'à la mort... Mais ça, elle le savait déjà. Elle se coucha sur le dos et observa intensément le ciel, puis fronça les sourcils en s'apercevant qu'il était gris. Elle aurait juste voulu un peu de couleurs, ce n'était pas trop demander, non? À vivre dans un univers entièrement constitué de blanc, on se rendait compte à quel point la couleur était essentielle à nos vies.

Elle s'ennuyait ferme depuis un bon bout de temps, pourtant, bouger la répugnait. De fait, elle serait bien restée ici jusqu'à... Jusqu'à quoi? Il fallait pourtant qu'elle bouge, non? Mais son corps ne voulait pas, il était bien, lui. Alors, elle resta là, seule et calme. Elle fixait le ciel au-dessus de sa tête, d'un gris désespérant...

Puis, un craquement sonore la ramena à la vie, et elle se redressa en saisissant son arc, qu'elle avait laissé à terre. Elle reprit sa flèche et la pointa dans la direction d'où venait le bruit, pour finalement se rendre compte que ce n'était qu'une hermine des neiges. Une simple hermine qui était sans doute en train de tenter de se trouver un repas, puis elle irait sûrement s'étendre pour un bon somme.

Avec un petit pincement au coeur, elle se dit que certains avaient décidément de la chance.